Développé avec Berta.me

  1. Quand les gens pensent au sud de la France, ils pensent aux vacances, au soleil brunissant les peaux, au sable des plages en toc des stations balnéaires, aux pastis en terrasse, à la nourriture pleine de tomates, d’ail et d’huile d’olive, et aux accents prononcés.

    Pourtant, dans les villes, autre chose se joue, tamisé.

    Au-delà des vacances, les paradis terrestres existent-ils ? 

    Et sa jeunesse, comment brille t-elle sous un soleil de plomb ? 

    Que se joue t-il dans les ombres ?

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    LA MER QUI DORT EN NOUS // RÊVE QU’ELLE NOUS DÉRIVE  (Claude Roy)

    Je n’avais jamais formulé mon déménagement inconscient vers la Belgique, jusqu’à la la lecture de ce vers de Claude Roy, dans un recueil intitulé Sais-tu si nous sommes encore loin de la mer ?

    Le titre à lui seul verbalisait une nostalgie insoupçonnée, un certain ‘mal du pays’ qui commençait à m’étreindre.

    Lorsque l’on grandit, on nous incite à avancer sans se retourner, et l’on ne regarde que le chemin à parcourir, comme s’il y avait un avant et un après, et c’est sûrement ce que l’on appelle « grandir ». J’avais le sentiment que les villes dans lesquelles j’avais évolué Arles – Montpellier – Nîmes m’enserraient, je m’ennuyais d’autres paysages, d’autres histoires d’ailleurs. De nature réservée, les voix du sud me paraissaient trop bruyantes, trop présentes, parfois violentes. Face à elle, j’avais l’impression que ma voix ne porterait jamais aussi fort. 

    C’est après avoir étudié toutes les nuances de gris du ciel belge que j’ai réappris à lire de nouveau dans les lumières chaudes du sud. Mes sens lavés des territoires qui m’ont vu grandir, j’ai été surprise d’en redécouvrir la beauté, mais aussi les fractures. Je parle de territoire, de « sud de la France », comme pour en nommer des contours qui restent indistincts. Je suis partie à l’affût de souvenirs, et j’ai eu besoin de les nommer. J’ai donc commencé à marcher, à arpenter les villes, à faire des portraits dans les rues. Comme mes mots ne concordaient pas avec mes images, je suis allée chercher des récits d’adolescents, de jeunes adultes, pour les confronter aux miens. Dans le livre fabriqué à la main qui résultera du projet ‘Eldorado’, je ne conserverais seulement que d’entre eux, ceux de Camille et de Simon, qui ont suivi un parcours similaire au mien.

    Ce projet est un projet hybride, mêlant une quête de paradis terrestre, d’un eldorado qui serait forcément ailleurs, de questionnements intérieurs, de réponses sur ce que signifie grandir dans un territoire que je crois connaître. Il y a constamment un balancement passé-présent, à la recherche d’une imagerie personnelle et d’une recherche documentaire. C’est dans cette fragilité que j’ai oscillé, sans pouvoir me résoudre à dissocier les deux approches.